Si je tarde à raconter nos découvertes Angkoriennes, c'est qu'il n'est pas si simple de transmettre notre ressenti face à cette multitude de temples visités. Nous avons été emplis. De quoi me direz vous. De plénitude, d'émerveillement, de beauté...Parfois, les mots sont aussi réducteurs qu'ils peuvent être précis. Parfois, ils sont trop vastes. Ce que nous avons ressenti va de l'infiniment grand à l'infiniment petit. Ni mystique, ni guimauve, nous pouvons peut être le résumer en disant simplement que nous étions heureux d'être là, à cet instant précis, complètement immergés dans ce que nous vivions.

Ensuite, tout n'est que détails.
Être accueilli à l'aube par Sambor, notre conducteur de tuktuk avec Céline Dion dans la sono (on s'entend là dessus... le choix musical n'était pas à notre gout). Profiter du lever de soleil sur la campagne. Arriver avant la foule (qui ne tardera pas à nous suivre de près) au Banteay Srei au milieu d'une nature encore endormie. Profiter de la lumière chaude de son grès rose et de ses bas reliefs d'une finesse incroyable, qui, à l'heure de sa découverte n'avaient d'ailleurs pas laissé de marbre notre cher André Malraux (voir la petite histoire résumée en fin de post).
Reprendre la route, bruit de moto en toile de fond et air encore frai dans les cheveux. Marcher dans la forêt dense sur une terre rouge. Découvrir, avec un peu de déception la fameuse Kbal Spean, rivière au lit sculpté de mille linguas (symboles phalliques représentant Shiva et la force reproductrice de la nature dans la religion Hindou). Retrouver Sambor écoutant sa musique cambodgienne avachi dans le hamac qu'il tend à l'intérieur du tuktuk. Monter 636 marches vers le Phom Bok et découvrir que nous sommes seuls perchés sur la colline avec une plaine aride s'étendant à perte de vue. Déambuler parmi les ruines envahies par la nature. Admirer les élégants frangipaniers qui ont fait leur lit au creux de certaines tours. Suivre le gardien des lieux et son chien jusqu'à un linga géant à moitié détruit par les Khmers rouges. Devoir payer la prestation jamais demandée mais consommée sans prudence. Se laisser envouter par le chant d'un cambodgien caché dans les ruines. S'abriter dans un temple en attendant que l'orage cesse. Retrouver Sambor écoutant sa musique cambodgienne avachi dans son hamac et apprendre qu'il n'aime pas l'eau de coco, raison pour laquelle il décline gentiment celle que lui offrait Mikael. Remonter dans le tuktuk en direction du Banteay Samre. Se délecter du calme qui y règne. Finir la visite et s'apercevoir que notre tuktuk n'est plus là. Attendre en bord de route en se demandant où il a bien pu passer. Se faire accoster par un prof cambodgien demandant à Kira, allemande de son état, si elle connaissait Hitler. Voir arriver Sambok en vélo pour nous dire qu'il était parti faire réparer le tuktuk crevé. Retrouver le tuktuk décoré de dizaines de petites figurines en papier, des porte-chance. Rouler au milieu de rizières verdoyantes bercés par Jimmy Hendrix et Bob Dylan. Grimper en haut du Prae Roup, mais fuir rapidement la foule qui s'y est amassée. Profiter des derniers moments de balade, du soleil qui décline et de nos compagnons de route...
Tout cela n'est que détail. Oui. Mais des détails qui ont fait de cette deuxième journée à Angkor, la plus agréable, la plus vivante... en somme, notre favorite.





























L'histoire est tellement croustillante, qu'il est impossible de ne pas vous faire ici un petit résumé. Pour avoir plus de détails, vous pouvez consulter l'article de Bruno Philip publié dans Le Monde du 12 aout 2013, intitulé "André Malraux au Cambodge: le pilleur de Banteay Srei".
En 1923, Malraux, jeune écrivain vivant de boursicotage et de l'achat et de la revente d'ouvrages érotiques, se retrouve ruiné par son mauvais placement au sein de mines mexicaines. Déjà intéressé par la culture d'Extrême Orient, Malraux avait pris connaissance de l’existence du Banteay Srei quelques mois auparavant, découvert depuis 1914 mais toujours peu connu du grand public.
Ce génie de l'affabulation parvient à obtenir un ordre de mission du ministère des colonies lui donnant la possibilité d'effectuer des recherches archéologiques au Cambodge. Il prendra également contact avec de riches collectionneurs américains et allemands s'assurant de leur intérêt pour un lot de statues khmères.
C'est ainsi qu'il se retrouve en décembre 1923 à Siem Reap, en compagnie de sa femme Clara et de son ami d'enfance Louis Chevasson. Depuis peu, les temples de la région, en tant que monuments historiques, sont pourtant protégés par une loi. Ce détail n'engourdira en rien la pugnacité de cette fine équipe.
Il leur faudra deux jours de progression dans une jungle dense pour atteindre le Banteay Srei, qui n'était alors qu'un amas de bas reliefs désordonné par le temps. Après deux jours de labeur pour scier quatre morceaux de bas reliefs, les trois compères reviennent à Siem Reap, le butin de plus d'une tonne chargé sur des chars à bœufs. Ils éveillent alors la suspicion des autorités françaises qui doutent alors des fins strictement archéologiques de l'expédition Malraux.
C'est à leur arrivée à Phnom Penh que Malraux, Clara et Chevasson sont arrêtés, après l'inspection de leur embarcation par la police et la découverte des trois vestiges.
En juillet 1924, Malraux est condamné à trois ans de prison. Sous la houlette de Clara, non condamnée et rentrée en france, la sphère intellectuelle parisienne (parmis lesquels, Gide, Mauriac, Breton, Aragon...) se mobilise autour d'une pétition réclamant un statut privilégié "pour ceux qui contribuent à augmenter le patrimoine intellectuelle du pays".(un brin surréaliste non?)
En octobre 1924, le peine de Malraux est transformée en une année de prison avec sursis par la cours d'appel et rentre à Paris. Cette histoire sera romancée dans son livre "La voie royale" dont on connait le succès aujourd'hui. Malraux osera aussi s'engager pour combattre le colonialisme, et sera, sous De Gaulle, ministre de la culture... ce qui me fait dire le système n'a pas beaucoup évolué: aujourd'hui comme hier, la droiture est bel et bien l'adage préféré de tout bon politique qui se respecte non?

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fais pas ci fais pas ça... ici tu as le droit, c'est blabla

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